Partager ce contenu

Code d'intégration

Lire le texte et répondre aux questions.

Tout recommence à 50 ans

Plaisir. Le voilà, l'étendard des quinquas* du XXIe siècle, leur cri de ralliement. Et ils n'ont pas l'intention d'y renoncer, malgré le temps qui passe, les rides qui creusent le front et les kilos qui lestent la silhouette. Ils sont au mitan* de leur existence d'adulte. En effet, le fantastique allongement de l'espérance de vie (76,7 ans pour les hommes, 83,8 pour les femmes) déroule trois belles décennies devant eux. Leurs enfants sont grands (ceux du premier lit du moins), leurs emprunts remboursés, leurs revenus souvent confortables - ils détiennent 60% de la richesse nationale et 50% du revenu net des ménages français - ils sont propriétaires de leur logement dans 8 cas sur 10 et possèdent un autre bien immobilier dans 1 cas sur 3. Ils héritent à 55 ans, en moyenne. «Après la guerre, on a "inventé" l'adolescence, quand les études se sont allongées et que la sexualité est devenue plus précoce. De la même manière, on assiste aujourd'hui à la naissance d'un nouvel âge, analyse le sociologue Jean Viard, 56 ans. A 50-55 ans débute la deuxième vie adulte, à laquelle il faudra donner un nom, un statut, un contenu. L'inventer est la nouvelle aventure des enfants de 1968*, qui ne veulent pas être rangés de la vie amoureuse, sexuelle, professionnelle, sociale.»
Car les quinquas et les sexas* d'aujourd'hui sont les enfants du baby-boom d'hier. Ces rejetons gâtés des Trente Glorieuses ont instauré la dictature de la jeunesse, dynamité les valeurs de leurs parents, accaparé les leviers du pouvoir politique, économique, culturel, médiatique. «C'est la génération "moi, moi, moi", qui préfère l'accomplissement à l'accumulation de biens, la jouissance à l'abnégation», note Jean-Paul Tréguer, 50 ans, patron de l'agence de pub Senioragency et pionnier du marketing en direction des seniors. Un Français sur trois a plus de 50 ans. «Ces nouveaux seniors ne joueront pas à faire de la figuration, pronostique Robert Rochefort, directeur général du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) et auteur de Vive le papy-boom (Odile Jacob). De par leur nombre, leur poids économique et surtout l'habitude d'avoir été tout au long de leur vie le nombril du monde, ils continueront à faire valoir leurs droits.» Ils sont bien décidés à vivre à fond leur deuxième âge adulte. Quitte à tout changer, à tout reconstruire. Le prince Charles, 56 ans, et sa compagne, Camilla Parker-Bowles, 57 ans, ne s'apprêtent-ils pas à convoler, enfin? Les baby-boomers en sont convaincus: tout peut recommencer à 50 ans. […]

L'indispensable travail de reconstruction est professionnel et social souvent, psychologique et amoureux parfois. C'est maintenant ou jamais. «A la cinquantaine, les hommes et les femmes éprouvent le besoin de se mettre en question et ils ont suffisamment d'assurance pour faire ce retour sur soi, note la psychanalyste Luce Janin-Devillars (Changer sa vie, Pocket). Avec la disparition des parents se dénouent enfin les liens qui nous emprisonnent dans la loyauté familiale.» Anne, 52 ans, a vécu cette libération. «Après le décès de ma mère, j'ai pu travailler sur ma relation difficile avec ma soeur aînée. Avant, ce n'était pas possible, car il fallait maintenir l'illusion de la tribu.»
Certains redécouvrent avec joie l'existence à deux après le départ des enfants. «On bâtit une vie de couple différente, plus centrée sur les amis et les activités sociales, témoigne Philippe Wattier, 53 ans, membre du directoire du Crédit foncier. D'ailleurs, je retrouve des copains que j'avais perdus de vue depuis longtemps. On vient d'acheter une résidence secondaire, au Pays basque, qui sera notre point de ralliement familial.»
Mais la cinquantaine n'est pas toujours un long fleuve d'amour tranquille. Les divorces grimpent en flèche. L'usure du temps. L'impérieux désir de vivre encore une fois la passion. La peur du huis clos de la retraite. «A 50-60 ans, certains paniquent à l'idée de se retrouver en tête-à-tête avec quelqu'un à qui ils n'ont plus rien à dire», constate la psychosociologue Odile Lamourère (Célibataire aujourd'hui, les Editions de l'Homme). Eric, 50 ans, n'est pas près d'oublier le 25e anniversaire de la promo* de son école de commerce. Sur les 40 hommes et femmes présents, 32 étaient séparés ou en instance de divorce. C'est son cas. «Mon histoire est d'une banalité affligeante, dit-il. Au bout de vingt-cinq ans de vie commune, je m'ennuyais. J'aurais pu me contenter d'être raisonnablement heureux, mais non.» Avec sa nouvelle compagne de quatorze ans sa cadette, il dit «vivre une renaissance». «Nous sortons au resto, au ciné, au théâtre, nous partons en week-end. Bref, nous jouissons de la vie comme jamais!»
Cette deuxième vie amoureuse n'est plus l'apanage des hommes. Dans les livres pour enfants, de nouveaux personnages ont fait leur apparition: Papi et sa nouvelle amie, mais aussi Mamette et son amoureux. «La recomposition conjugale après 50 ans est en forte progression, précise Vincent Caradec, professeur de sociologie à l'université de Lille III (Vieillir après la retraite, PUF). Le phénomène est difficile à mesurer car beaucoup de quinquas et de sexas ne se remarient pas. Ils gardent deux résidences et cohabitent de temps en temps chez l'un ou chez l'autre.»
Comme leurs enfants, en somme, auxquels ces jeunes seniors ressemblent furieusement. «Ils sont très proches des 15-30 ans en termes d'habitudes et de comportements de consommation, note Thomas Tougard, directeur général d'Ipsos Observer. Ils sont même plus ouverts d'esprit qu'eux sur un certain nombre de sujets. Notamment, ils valorisent davantage la tolérance, l'ouverture aux autres, le métissage culturel, la solidarité et l'indépendance d'esprit.»
Certains le disent haut et fort, d'autres le reconnaissent à demi-mots: pas facile d'affronter les cinquantièmes rugissants. «Pour les femmes surtout, nuancent Régine Lemoine-Darthois et Elisabeth Weissman. La cinquantaine marque une rupture dans la vie des femmes car elle est synonyme de transformations physiques et fonctionnelles, soulignent-elles. Pour amorcer une nouvelle vie, elles doivent faire leur deuil des bébés qu'elles n'auront plus et de la femme jeune et séduisante qu'elles ne seront plus.»
Des quinquas aux prises avec le mal-être de la ménopause, Monique Barbery, 52 ans, gynécologue, en voit passer beaucoup dans son cabinet parisien. «Elles sont plus charnellement liées que les hommes au facteur temps. Elles enragent souvent de cette horloge biologique implacable, mais peut-être sont-elles ainsi mieux préparées qu'eux à vieillir, du moins celles qui ne s'épuisent pas dans une vaine quête de l'éternelle jeunesse. Au fond, beaucoup franchissent avec vaillance le mur du son de la cinquantaine. Avec force soupirs et parfois une certaine complaisance dans la plainte, mais il y a de l'exorcisme dans ce lamento.» Dur, pour les filles de la génération «hommes, femmes, même combat», d'accepter l'inégalité biologique: leurs hommes peuvent encore faire des enfants, elles, non. Pis, «leurs compagnons peuvent être saisis d'angoisse face à leur ménopause, observe la psychanalyste Jacqueline Schaeffer [Le Refus du féminin, PUF]: elle les renvoie à leur cinquantaine, dont ils ne veulent pas entendre parler, eux qui se sentent en pleine maturité, surtout s'ils ont réussi socialement».
Paul Boury, 52 ans, conseiller en communication doté d'un carnet d'adresses en or, est de ces quinquas heureux. Son âge? Il s'en contrefiche. «Pour moi, il n'y a que deux caps dans l'existence: 30 ans, l'entrée

dans l'âge adulte, et 70 ans, le début de la vieillesse. Je n'ai pas l'impression d'avoir vieilli. Ma curiosité pour les gens et pour les choses est intacte.» Divorcé de longue date, père d'un garçon de 17 ans, il vit «dans une insouciance géniale et avec un grand sentiment de liberté. Comme à 25 ans, avec les moyens financiers en plus!». Seule ombre au bonheur de Paul: «Je sais que je ne suis pas à l'abri d'un pépin de santé.» Et les accidents de carrière de ses copains lui rappellent les années qui s'inscrivent au compteur. «La réussite professionnelle fait oublier l'âge, l'échec le rappelle», reconnaît-il. […] Régine Lemoine-Darthois et Elisabeth Weissman ont fait le même constat: «Le grand problème des hommes du baby-boom est la perte de pouvoir, plus que les griffures du temps et même plus que le déclin de la puissance sexuelle. Ils se sont construits quasi exclusivement dans la réussite sociale. Retirez-leur leur carte de visite, et ils perdent tout!» […]
Certaines entreprises refusent systématiquement les quinquas, s'insurge Danièle Lepeu, qui dirige l'agence seniors de la société de travail temporaire Adecco, à Boulogne-Billancourt. Dans l'audiovisuel, la pub, la communication et la téléphonie, vous êtes vieux à 35 ans! Même dans d'autres secteurs plus ouverts aux seniors, si vous êtes sans emploi et que vous avez plus de 50 ans, vous cumulez deux handicaps: l'âge et le chômage…» On est périmé de plus en plus jeune sur le marché de l'emploi. «Entre 47 et 53 ans, un chômeur a 1 chance sur 10 de retrouver un contrat à durée indéterminée», déplore Jacques Gosselin, qui a créé il y a un an la Fédération interrégionale pour le développement de l'emploi des seniors. A 59 ans, cet ex-chef d'entreprise enchaîne les missions dans le domaine de la logistique. En attendant la retraite. «A 50 ans, on est vieux pour l'entreprise, tranche la chasseuse de têtes Catherine Euvrard, sexa survitaminée. A 55 ans, on est mort. C'est scandaleux, mais c'est comme ça. Aussi, mieux vaut être créatif et envisager des solutions alternatives au salariat.» […]
Et puis les années qui passent ont aussi du bon. «La cinquantaine est un bel âge: on gagne en profondeur et en bienveillance, constate Philippe Wattier. En efficacité aussi, car la baisse de tonus physique est plus que compensée, au travail, par une capacité accrue à prendre du recul, à aller à l'essentiel. Pour faire un parallèle avec le sport, on joue avec sa tête, on ne court plus après tous les ballons!» […]
La retraite, les quinquas d'aujourd'hui l'imaginent active, forcément active. Rien à voir avec celle de leurs parents, qu'on se le dise ! […]

Anne Vidalie, L'Express du 07/03/2005

* baby-boom : génération des enfants nés dans l’immédiate après-guerre
* quinqua : quinquagénaire (personne de cinquante ans)
* les enfants de 68 : génération qui a vécu la « révolution » de moeurs de 68, remettant en cause l’ordre social établi
* mitan : milieu
* sexa : sexagénaire (personne de soixante ans)
* promo : promotion (groupe d’ élèves entrés la même année dans une grande école)

Quel est le point commun entre les baby-boomers ? (2 points)




Pourquoi Jean Viard parle-t-il d’un nouvel âge ? Quelles en sont les caractéristiques socio économiques essentielles ?

Selon R. Rochefort « Ces nouveaux seniors ne joueront pas à faire de la figuration ». Que veut-il dire et comment cela s’explique-t-il historiquement ? Répondez avec vos propres mots et en vous appuyant sur des éléments du début du texte (lignes 1 à 24)

Comment comprenez-vous la phrase « Avec la disparition des parents se dénouent enfin les liens qui nous emprisonnent dans la loyauté familiale » ?

D’un point de vue affectif, la cinquantaine est toujours l’âge de la sérénité dans le couple. Vrai ou Faux ?


Le journaliste compare les quinquas et les 15-30 ans. Citez deux points communs et trois différences (avec vos propres mots). Cette question porte sur la partie du texte allant des lignes 51 à 81

POINTS COMMUNS:

1/-

2/-

 

DIFFŔENCES:

1/-

2/-

3/-

Comment comprenez-vous ce passage : « Au fond, beaucoup franchissent avec vaillance le mur du son de la cinquantaine. Avec force soupirs et parfois une certaine complaisance dans la plainte, mais il y a de l'exorcisme dans ce lamento. » ? Appuyez-vous sur l’ensemble du paragraphe.



La littérature jeunesse s’efforce de préserver une image traditionnelle des générations.


Il n’y a aucune issue au problème du chômage passé la cinquantaine


« Pour faire un parallèle avec le sport, on joue avec sa tête, on ne court plus après tous les ballons! » Que veut dire le journaliste ?

Quel autre titre donneriez-vous à cet article ? Tenez compte du style du texte pour effectuer votre choix. (2 points)