Lire le texte et répondre aux questions

Mémoire 60e anniversaire de la déclaration de Robert Schuman du 7 au 9 mai en Lorraine

Cosmopolite et si discret

"L'un des pères de l'Europe avec Jean Monnet". La carrière de Robert Schuman est trop souvent résumée à cette phrase caricaturale. Mais l'homme mérite davantage que cette formule à l'emporte-pièce qui ne saurait à elle seule, symboliser son oeuvre et son action pour que naisse et se développe l'idée même d'une conception européenne. Né en 1886 au Luxembourg, Robert Schuman, présenté souvent à tort comme un Lorrain, a eu bien avant d'autres, la vision d'une entité géographique seule et unique. Sans doute en raison de son parcours atypique. Il fait ses humanités en Allemagne, puis débute sa carrière d'avocat en 1912 à Metz dans le "Reichsland" annexé.

"Sous-produit de Vichy"

Il se définit d'ailleurs comme un cosmopolite. Réformé, il échappe à la guerre mais pas à ses horreurs. Il est frappé par ce "tourbillon d'égoïsme et d'instincts primaires". Élu député de la Moselle en 1919, il défendra durant toute sa carrière sa circonscription de Thionville. Le 21 mars 1940, il devient sous-secrétaire d'État aux réfugiés dans le gouvernement Paul Reynaud. L'histoire dit qu'il a gardé ce poste, sans avoir été consulté, dans le premier gouvernement Pétain. Il refuse d'y participer et retrouve Metz, plus exactement les geôles tenues par les nazis. Placé ensuite en surveillance surveillée, il s'évade en août 42 et gagne la France libre. De Lattre de Tassigny l'appellera à ses côtés. Mais le ministre de la guerre exigera que "ce sous-produit de Vichy soit vidé sur le champ". Metz l'accueille avec enthousiasme tandis que les autorités le considèrent toujours comme un traître. Passage à vide.

Nouveau parcours à 59 ans.

    L'homme est touché, blessé, meurtri. Mais un non-lieu en sa faveur est prononcé par la commission de la Haute Cour début 45. Un nouveau parcours politique débute pour cet homme de 59 ans. Il est ministre des finances de juin 46 à novembre 47. En juin 48, il s'installe au Quai d'Orsay et donne une nouvelle impulsion à la politique extérieure française. Sa déclaration de 1950 est déjà passée à la postérité. Elle s'appuie sur une autorité de contrôle de la production franco-allemande du charbon et de l'acier. "Cette production sera offerte à l'ensemble du monde, sans distinction, ni exclusion, pour contribuer au relèvement du niveau de vie et aux progrès des oeuvres de paix. L'Europe pourra, avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation de l'une de ses tâches essentielles : le développement du continent africain. L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble, elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait". Nous sommes en 1950 !                                                                                                                La proposition fut ratifiée et depuis, le conseil européen de Milan de 1985, le 9 mai est la journée de l'Europe.

"Discret, terne et effacé"

    Robert Schuman a toujours fui les titres et les honneurs. Il n'a cherché qu'à rapprocher des nations que des années de luttes sanglantes avaient opposées. Ses discours suscitaient des commentaires peu amènes. Fauvet disait qu'il était un orateur "pesant longuement ses arguments comme un pharmacien ses pilules". D'autres critiquaient assez vivement son côté provincial. "Discret, terne et effacé, il fait l'impossible pour ne pas se faire remarquer et déteste le faste et le décorum". Il menait, il est vrai, une vie simple, presque monacale. Au grand dam des chroniqueurs qui ne trouvent rien à relever dans l'existence de cet homme pieu qui affirmait qu'un vrai croyant " ne peut commettre l'acte de chair que dans le mariage".                                                                                                                                                                                                                                                         Inscrit jusqu'à sa mort au barreau de Metz, il aimait se ressourcer dans sa jolie maison de Scy-Chazelles, avec pour seuls et fidèles compagnons, ses centaines d'ouvrages, une gouvernante un peu handicapée, un jardin d'une rare beauté, et beaucoup d'idées sur la Politique. celle qui ennoblit ses défenseurs, celle qui fait avancer la société, celle qui réduit les injustices.                                                                                                                                                                                                                                                         C'est là, dans ce havre de paix et de recueillement qu'il tirera sa révérence le 4 septembre 1963. Les grands hommes sont parfois très discrets. Trop discrets.

Dominique CAMPISTRON avec le précieux concours du comité organisateur de 9 mai 2010.
Article paru dans le Républicain Lorrain du 6 mai 2010.

www.republicain-lorrain.fr