La quête de l'immortalité
L’univers physique se compose de quatre éléments : matière, énergie, espace et temps.
La physique nucléaire nous apprend que la matière se compose de formes d’énergie telles que les électrons et les protons. L’énergie et la matière existent dans l’espace et dans le temps. Tout cela n’a rien de compliqué. Il suffit de comprendre que l’univers dans lequel nous vivons est composé d’éléments simples, agencés et réagencés pour créer quantités de formes et de manifestations.
Le trottoir en bitume, l’air, les crèmes glacées, les fiches de paie, les chats, les rois et les charbonniers sont fondamentalement composés de matière, d’énergie, d’espace et de temps. Et quand ils sont vivants, ils possèdent un ingrédient supplémentaire : la vie.
La vie est une énergie d’un genre très particulier obéissant à certaines lois. Elle diffère des formes d’énergie classiques telle que l’électricité. Il n’en reste pas moins que c’est une énergie – une énergie qui a ses propres caractéristiques.
La vie est capable de rassembler, d’organiser et d’animer la matière et l’énergie dans l’espace et dans le temps. La vie prend de la matière et de l’énergie et fabrique un organisme tels une monocellule, un arbre, un ours polaire, un homme. Puis cet organisme, toujours animé par cette énergie appelée vie, agit à son tour sur la matière et l’énergie, dans l’espace et dans le temps, et crée de nouveaux objets, de nouvelles formes.
On pourrait dire que la vie est engagée dans la conquête de l’univers physique. La pulsion première de la vie, nous l’avons dit, est de survivre. Pour survivre, la vie doit poursuivre et réussir sa conquête de l’univers physique.
Lorsque la vie ou une forme de vie interrompt cette conquête, elle cesse de survivre et succombe.
Nous avons affaire à un combat de titans : l’énergie vitale contre la matière, l’énergie, l’espace et le temps.
La vie contre l’univers physique.
C’est une lutte terrible : l’univers physique, chaotique, désorganisé et uniquement capable de force, résiste à la vie qui, elle, organise, persiste et utilise la raison.
La vie apprend de l’univers physique les lois de la matière, de l’énergie, de l’espace et du temps, puis retourne ces lois contre lui afin d’en poursuivre la conquête.
L’Homme a passé beaucoup de temps à étudier l’univers physique, par l’intermédiaire de sciences telles que la physique et la chimie. Mais, plus important encore, il s’est penché sur la lutte quotidienne de la vie contre l’univers. N’allez pas croire que la monocellule ne connaît pas le mode de fonctionnement de l’existence. Il faut pas mal d’habileté pour transformer quelques composants chimiques et la lumière solaire en entité vivante ! Le biologiste reste bouche bée devant l’esprit d’organisation de ces organismes minuscules. Il contemple ces entités complexes et minutieuses, ces unités de vie microscopiques, et n’arrive pas à croire que tout cela soit dû au hasard.
Il y a donc la Vie, une énergie vitale, pas tout à fait comme l’énergie physique de l’Univers. Et puis il y a les formes de vie. Les formes de vie ou organismes, tels que le corps humain, se composent de vie plus de matière, d’énergie, d’espace et de temps. Un corps mort se compose de matière, d’énergie, d’espace et de temps, moins l’énergie vitale. La vie est là, conçoit l’organisme, puis s’en retire. C’est un phénomène que nous appelons le cycle conception-naissance-croissance-dégénérescence-mort.
Bien qu’on puisse répondre à la question : « Où va la vie lorsqu’elle se retire et que fait-elle ? » là n’est pas notre propos immédiat.
Ce qui intéresse en premier lieu un organisme vivant est d’essayer de survivre (la pulsion fondamentale de toute vie) et de conquérir l’univers physique afin d’assurer cette survie.
En bref, la vie doit tout d’abord accumuler suffisamment de matière et d’énergie pour façonner un organisme (le corps humain, par exemple) puis associer cet organisme à d’autres organismes qui ont des affinités avec lui (d’autres gens, par exemple) et continuer à lui fournir de la matière et de l’énergie (nourriture, vêtements, abri) pour qu’il puisse subvenir à ses besoins. De plus, afin de survivre, la vie doit remplir deux autres fonctions d’une importance capitale.
Elle doit apporter du plaisir.
Elle doit éviter la douleur.
La vie cherche activement à éviter la douleur. Celle-ci est synonyme de non-survie, de destruction et de mort. La douleur est un signal de non-survie ou de mort potentielle.
La vie recherche activement le plaisir. On peut définir le plaisir comme l’action de parvenir à la survie. Le plaisir ultime est la survie infinie, l’immortalité, inatteignable pour l’organisme physique (mais pas pour la vie qui l’anime) et que celui-ci essaie cependant d’atteindre.
On pourrait donc définir le bonheur comme le fait de surmonter des obstacles pour atteindre un but souhaitable. On constatera en l’examinant de près, que tout but souhaitable est un but pro-survie.
Un excès de douleur empêche l’organisme d’atteindre la survie.
Un nombre excessif d’obstacles entre l’organisme et la survie est synonyme de non-survie.
Ainsi on constate que le mental imagine et met en œuvre des solutions pour éviter la douleur et trouver le plaisir. Le mental ne fait rien d’autre que percevoir, poser et résoudre des problèmes relatifs à la survie de l’organisme, des générations futures, du groupe, de la vie et de l’univers physique ; puis il transpose les solutions en actions. Lorsqu’il résout la majorité des problèmes qu’on lui présente, l’organisme atteint un niveau élevé de survie. Si le mental n’arrive pas à résoudre la majorité des problèmes, l’organisme échoue.
Le mental est donc étroitement lié à la survie. Et je parle ici du mental dans son ensemble, et pas seulement du cerveau. Le cerveau est un organe. Le mental peut être considéré comme étant l’être entier, mortel et immortel, la personnalité définie de l’organisme et de toutes ses caractéristiques.
Donc, si votre mental fonctionne bien, s’il résout les problèmes qu’il est censé résoudre et s’il transpose les solutions en actions appropriées, la survie de l’organisme est assurée. Si le mental fonctionne mal, la survie de l’organisme est remise en question.
Le mental d’une personne doit donc être en excellente condition pour garantir au mieux sa propre survie, celle de sa famille, des générations futures, de son groupe et de la Vie.
Le mental cherche à garantir et à entreprendre des actions de survie. Comme il recherche la survie non seulement pour l’organisme (pour soi), mais aussi pour la famille, les enfants, les générations futures et toute Vie, il se peut donc qu’il soit bloqué par rapport à l’un ou plusieurs de ces domaines.
Un mental peut se trouver bloqué par rapport à la survie personnelle, et être cependant actif pour la survie des générations futures. Il peut se trouver bloqué pour ce qui est des groupes, mais s’occuper activement de l’organisme (de soi). Pour bien fonctionner, le mental ne doit montrer aucune faiblesse dans quelque domaine que ce soit.
Pour bien fonctionner, le mental doit se considérer capable de contrôler la matière, l’énergie, l’espace et le temps, en fonction des besoins de l’organisme, de la famille, des générations futures, des groupes et de la Vie.
Le mental doit pouvoir éviter la douleur et découvrir le plaisir, pour soi, les générations futures, la famille, le groupe et la Vie elle-même.
S’il ne parvient pas à éviter la douleur et à découvrir le plaisir, l’organisme, la famille, les générations futures, le groupe et la Vie sont voués à l’échec.
Lorsqu’un organisme dans un groupe échoue à résoudre correctement des problèmes de survie, cela entraîne l’échec du groupe tout entier. D’où « Ne cherche pas à savoir pour qui sonne le glas, il sonne pour toi ! »
La Vie est un effort fondé sur l’interdépendance et la coopération. Chaque organisme vivant, sans exception, joue un rôle dans la survie des autres organismes.
Dans le cas d’un être pensant comme l’Homme, l’organisme doit être capable d’agir seul pour sa propre survie et celle des autres. Afin de réussir cela, un mental doit, cependant, savoir mettre en œuvre des solutions optimales non seulement pour l’individu, mais également pour tout ce qui est lié à sa survie.
Aussi le mental d’un organisme doit coopérer avec le mental d’autres organismes pour que tous puissent survivre de façon aussi optimale que possible.
Lorsque le mental est engourdi et bloqué, il commence à concevoir de mauvaises solutions. Il s’embrouille dans ses buts. Il n’est pas sûr de ce qu’il veut vraiment faire. Et cela va influencer et entraver la survie d’autres organismes. Il peut, par exemple, estimer qu’il doit survivre pour lui-même, que lui seul est important, et négliger ainsi la survie d’autrui. C’est une activité anti-survie, extrêmement aberrée.
Le mental qui ne survit que pour soi et qui opprime et contrôle avec force d’autres organismes a déjà un pied dans la tombe. C’est un mental qui est tout juste à moitié vivant. Il ne possède même plus la moitié de son potentiel réel. Il perçoit mal l’univers physique. Il ne se rend pas compte que sa survie dépend de sa coopération avec autrui. Il a abandonné sa mission de survie. Ce mental est destiné à mourir. Il est sur le déclin et va en fait entreprendre des actions qui le conduiront tout droit à la mort.
La Vie en tant que telle se sert de la mort. Lorsqu’un organisme est sur le déclin, la Vie a pour but de le tuer et de miser sur un nouvel organisme.
La mort est l’action par laquelle la Vie se débarrasse d’un organisme inutilisable et indésirable, afin que de nouveaux organismes puissent naître et s’épanouir.
La Vie elle-même ne meurt pas. Seul l’organisme physique meurt. La personnalité proprement dite, malgré les apparences, ne meurt pas. La mort n’est donc en vérité, qu’un concept limité, c’est-à-dire la mort de la portion physique de l’organisme. La Vie et la personnalité subsistent. La portion physique de l’organisme cesse de fonctionner. C’est cela qu’on appelle la mort.
Lorsqu’un organisme sombre dans un état de semi-conscience, qu’il ne perçoit que la moitié de ce qu’il devrait percevoir, qu’il ne fonctionne qu’à moitié, la mort se met à l’œuvre. L’organisme va, par la suite, entreprendre des actions destinées à la hâter. Il le fait inconsciemment. Mais, aberré comme il est, le mental d’un tel organisme va également causer la mort d’autres organismes. Ainsi, un organisme à demi-conscient est-il une menace pour autrui.
Telle est la personne prédisposée aux accidents. Tel est le fasciste. Tel est celui qui cherche à dominer. Tel est l’individu égoïste et égocentrique. C’est un organisme sur le déclin.
Lorsqu’un organisme n’est plus qu’au tiers vivant et conscient, qu’il ne perçoit qu’un tiers de ce qu’il pourrait percevoir, la vie hâte de plus belle la mort de cet organisme et de ceux qui l’entourent. Nous avons ici la personne qui se suicide, qui est continuellement malade, qui refuse de manger.
Les organismes sur le chemin de la mort mettent quelquefois des années et des années à mourir. Ils ont parfois des sursauts de survie et un léger désir de continuer à vivre. De plus, d’autres organismes les aident à vivre. Ils voguent au gré de l’existence, bien que, personnellement, ils tendent vers la mort – la mort d’autrui, la leur et celle de l’univers physique environnant.
La société, dont la majeure partie est axée sur la survie, ne reconnaît pas ou refuse de reconnaître la mort ou la tendance des organismes à y aspirer. La société vote des lois contre le meurtre et le suicide. Elle construit des hôpitaux. Elle prend ces gens à sa charge. Et elle fera la sourde oreille devant l’euthanasie ou « l’homicide par compassion ».
Les organismes qui ne sont plus qu’à demi vivants vont prendre des mesures extraordinaires pour causer la mort des autres, des choses et la leur. Nous avons ici les Hitler, les criminels, les névrosés destructifs.
Donnez une voiture à une telle personne. Elle sera impliquée dans un accident. Donnez-lui de l’argent. Elle achètera des choses qui n’aideront pas à la survie.
Mais cessons d’insister sur le côté dramatique et d’oublier ce qui est important, comme le font les journaux. L’action et l’impulsion vers la mort ne sont perceptibles que lorsqu’elles sont très dramatiques. Mais c’est dans ses formes non dramatiques qu’elle est la plus dangereuse.
La personne qui a dépassé le point critique cause continuellement la mort des gens et des choses sur une petite échelle. Une maison sale, des rendez-vous manqués, des vêtements négligés, des commérages sournois, des réflexions mesquines sur les autres « pour leur bien », toutes ces perturbations provoquent des échecs. Et un excès d’échecs amène la mort.
Ce point critique n’est pas forcément le milieu de l’existence. Cela veut dire que la personne est à demi consciente, à demi vivante et qu’elle ne perçoit et ne raisonne qu’à moitié, ou moins. Un enfant peut être oppressé et réduit à cet état par ses parents ou l’école. En fait, les enfants subissent d’ordinaire tant d’échecs dans leur environnement et dans leur lutte avec l’existence, qu’ils dépassent souvent le point critique. L’âge n’est pas un critère. La santé physique en est un.
La condition physique d’un individu permet de déterminer à coup sûr si oui ou non il a dépassé le point critique. La personne chroniquement malade l’a dépassé.
Si l’on veut avoir une société sûre, si l’on veut débarrasser une société de ses facteurs de mort, alors il faut avoir soit un moyen de détruire les personnes qui lui apportent la mort, les Hitler, les fous, les criminels, ou bien il faut avoir un moyen de sauver ces personnes et de les ramener à un état de pleine conscience.
La conscience totale impliquerait qu’on reconnaisse ses responsabilités, sa relation avec autrui, l’attention qu’on doit apporter à soi-même et à la société.
Comment y parvenir ? Si vous y parveniez, vous élèveriez la société à des sommets jusqu’ici inaccessibles. Vous pourriez vider les prisons et les asiles. Vous pourriez rendre le monde si équilibré qu’il ne penserait plus à la guerre. Et vous pourriez guérir des gens qu’on n’avait jamais pu guérir auparavant. Et ceux qui n’avaient jamais vraiment connu le bonheur pourraient être heureux. Vous pourriez améliorer la bonne volonté et l’efficacité de tous les hommes ainsi que celle de toute la société, si vous pouviez rendre à ces gens leur vitalité.
Pour pouvoir faire cela, il vous faut connaître le processus par lequel la conscience, la vitalité, le désir de vivre s’affaiblissent.